Nouvelle onde de choc au sein de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat (CMA) de Guyane. Ce lundi 30 juin, huit élus du groupe d'opposition "Tous Artisans", menés par Roberto Osseux, ancien président de l’institution, ont annoncé leur démission collective. La décision a été officialisée dans un courrier adressé au préfet, dans lequel ils pointent une série de « dysfonctionnements graves », une « dérive autoritaire » et « une gouvernance jugée opaque ». « Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on alerte les instances », déclare Roberto Osseux :
« Mais là, on a atteint un point de non-retour. Une convocation reçue le 6 juin mentionne la présentation des comptes sans possibilité de vote. Des documents envoyés tardivement. On assiste à une mise à l’écart claire des élus que nous sommes. »
« On ne peut pas faire comme si de rien n’était »
Jason John, membre du groupe démissionnaire, estime que cette crise institutionnelle ne peut rester sans réponse de la préfecture et ce même 1 an et demi avant les prochaines élections :
« Il faut rappeler que la Chambre, c’est 25 élus. Nous étions huit dans notre groupe. Avec notre départ, il n’y a plus personne sur la liste pour nous remplacer. Ce n’est pas un détail administratif, c’est un dysfonctionnement démocratique. Le préfet doit prendre ses responsabilités. Soit il dissout l’assemblée pour convoquer de nouvelles élections, soit il met en place une administration provisoire. On ne peut pas juste laisser les choses continuer comme si de rien n’était. »
Jason John voit dans cette situation une rupture désormais inévitable. « Nous, on va retourner à nos entreprises. Et la Chambre ? Elle continuera de tourner comme elle peut, mais sans nous. »
La Présidente de la CMA sereine, malgré la tempête
De son côté, la présidente Vernita Chérubin-Blacodon relativise cette crise, qu’elle qualifie de manœuvre politique :
« Il n’y a aucune conséquence réelle sur le fonctionnement. Nous avons suffisamment d’élus pour maintenir les actions engagées. Et ceux qui monteront sur la liste connaissent bien le terrain. »
Elle défend également sa méthode, notamment sur le dossier sensible de la présentation des comptes. « Il ne s’agissait pas d’une assemblée générale, mais d’une présentation des comptes. Il ne faut pas oublier que la Chambre traite une dette de plus de 4 millions d’euros, dont les origines remontent à 1996. Il fallait justifier chaque euro. », explique-t-elle.
Selon la présidente, la situation financière délicate a justifié des choix inhabituels :
« Avec des soupçons de faux en écriture dans le passé, nous ne pouvions pas présenter un budget insincère. Un commissaire aux comptes a été nommé pour accompagner notre équipe et garantir une transparence totale auprès des partenaires. Tout ça prend du temps »
Quid des commissions statutaires ?
Autre sujet de discorde : le fonctionnement des commissions obligatoires (économie, formation, finances…). Roberto Osseux affirme qu’aucune réunion ne s’est tenue depuis l’élection :
« On n’a jamais été conviés aux commissions, aucun compte-rendu, aucun retour. La dernière Assemblée générale à laquelle j’ai participé, c’était celle de constitution. Depuis, c’est le néant. »
Vernita Chérubin-Blacodon s’inscrit en faux :
« Les commissions ont bien eu lieu. Les élus concernés ont été convoqués, mais ils ne se sont pas présentés. Depuis le début du mandat, ils brillent par leur absence. »
Que dit la réglementation en cas de démission collective ?
La réglementation encadrant les CMA prévoit une procédure précise en cas de vacance de sièges :
- Lorsqu’un élu démissionne, le candidat suivant sur la liste peut le remplacer, s’il est éligible.
- En cas de démission collective ou de liste épuisée, aucun remplaçant ne peut être désigné.
- Si le nombre de sièges vacants dépasse un seuil critique (souvent un tiers de l’assemblée), le préfet peut dissoudre l’assemblée et nommer une délégation spéciale pour assurer la gestion courante.
- Le préfet peut aussi organiser une élection partielle dans certains cas.
Une crise à la CMA qui pèse pour environ 6 000 artisans
La CMA Guyane est un acteur essentiel pour près de 6 000 artisans du territoire. Elle intervient dans l’accompagnement des entreprises, la formation professionnelle, l’apprentissage, la promotion de l’artisanat local, et la structuration économique des filières. Mais aujourd’hui, sa capacité à fonctionner dans un climat apaisé est remise en question.
Alors que les artisans guyanais doivent faire face à une hausse des coûts, des contraintes administratives croissantes et un besoin d’accompagnement renforcé, cette paralysie politique pourrait coûter cher à un secteur déjà fragilisé.